plus que je pédale moins vite moins que j'avance plus lentement

Les démocraties modernes veulent graver dans l'esprit du public l'idée que l'écologie réclame la croissance. Pour Bernard Meheust, il y a incompatibilité entre la société globalisée dirigée par le marché et la préservation de la biosphère. Il met en évidence une politique de l'oxymore qui fait fusionner deux réalités contradictoires : « développement durable », « agriculture raisonnée », « flexisécurité », « moralisation du capitalisme »,etc. Plus l'on produit d'oxymores, plus les gens sont désorientés et inaptes à penser.

« Colbert, comme tous les hommes de son temps, vivait dans les cadres
bibliques, avec une perspective temporelle de quatre mille ans, mais
envisageait l’avenir du royaume sur des siècles, en faisant par exemple
planter des arbres pour construire des flottes futures. En revanche, nos
maîtres, qui semblent ignorer totalement les quinze milliards d’années
de la cosmologie contemporaine, pensent leurs actions sur quelques
années ou quelques mois, en fonction des élections prochaines. Aussi,
pour maîtriser ce futur effrayant qui nous échappe, nous mettons en
œuvre tout notre savoir pour l’asservir, pour faire qu’il ne puisse être
autre chose que la continuation amplifiée du présent.

C’est le rôle du crédit, ressort fondamental de l’économie moderne. Nous
vivons à crédit ; c’est un truisme à la première vue, mais on ne mesure
pas toujours ce que cela signifie. Cela veut dire que tout le savoir
humain est mobilisé pour la colonisation du futur. En liant le présent à
des évènements virtuels, on le bloque sur ce qu’il est, on l’empêche
d’être autrement. (…)

Nous ne pensons au futur que sous l’angle de la capture et de
l’appropriation. Quand nous pensons le futur, ce n’est pas dans une
perspective du long terme qui privilégierait l’intérêt supérieur de
l’humanité, c’est pour asservir le présent, pour pouvoir mieux le
contrôler. Mais il s’agit en fait d’une entre capture. En asservissant
le futur, nous nous asservissons nous-mêmes. »

Bernard Méheust

La politique de l’oxymore, p 86-87

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