Plantation et attachement de quoi les arbres sont t'ils le signe ?

Discours prononcé à l’inauguration de l’arboretum de l’écosite de la Vraie croix en Décembre 2007

Je doit vous informer qu’en plantant ces arbres tout à l’heure vous avez pris le risque de provoquer en vous un phénomène d’attachement. Il faudrait plus se méfier des arbres.
Je le sait car j’en été victime il y a bien longtemps,
tout près d’ici devant une toute petite plante que j’ai d’abord pris pour une fleur. J’ai passé des semaines à chercher son nom dans les livres avant de comprendre qu’il s’agissait en fait d’une plantule venue d’un grand hêtre qui poussait à côté. Le désir qui m’a pris alors d’en savoir plus ne m’a jamais quitté. N’ayant eu depuis, si j’ose dire, que cela à faire j’ai probablement acquis sur le sujet certaines connaissances. Mais si il reste un point qui me laisse toujours aussi perplexe c’est bien celui des relations entre les hommes et les arbres. Depuis 35 ans j’ai vu passer des centaines, peut-être des milliers d’hommes de femmes et d’enfants venus me voir à Guémené-Penfao pour avoir des arbres à planter ; au total près de 20 millions d’arbres semble t’il, bien que je ne soie pas très doué en comptabilité. Aujourd’hui il ne se passe pas une semaine sans que je rencontre ces gens que j’ai oublié pour la plupart mais qui s’en souviennent et surtout me parlent de ce que sont devenus les arbres, leurs arbres.
Que l’on ait planté pour soi où pour les autres, pour le plaisir ou pour la production, quelque soit son âge, son état social ou le pays d’où l’on vient l ’attachement à l’arbre est un trait de caractère tellement partagé qu’il en suffirait presque à définir l’humain et son absence une forme de déshumanisation.
J’ai quelques idées la dessus, lorsque l’homme nomade à posé son sac il y quelques milliers d’années pour devenir villageois et paysan, il l’a fait en coupant des arbres s’en chauffant, construisant des maison, des bateaux, des outils. A côté des l’âge de pierre de bronze et de fer, du pétrole aujourd’hui et dont se demande
bien de quoi demain il y a l’âge de bois dont curieusement personne ne parle jamais. Le bois, avec la pierre, matériau premier, témoin de la naissance de nos civilisations ne nous à jamais quitté, quelque progrès qu’aient pu faire la technologie des métaux puis des matières synthétiques. Cette longue vie commune crée des liens. L’attachement tient peut être aussi qu’outre ses propriétés propres indéniables, le bois vient d’un être vivant sans qu’il ne soit jamais vraiment atteint par la mort. Quoi de plus vivant qu’un violon , un meuble ou une charpente ? Pour les gens de notre espèce qui aimeraient bien que cette question de la mort nous lâche un peu la grappe, planter un arbre, son arbre, symboliquement quasi immortel, c’est une petite revanche sur le destin inéluctable dont on aurait bien tort de se priver. D’autant qu’avant d’être bois, l’arbre peut vivre des siècles. Sous les arbres plantés par nos ancêtres viendront jouer nos enfants et entre les deux nous seront passés. Voilà de quoi espérer pour chacun un peu de sérénité. Si l’on plante si souvent des arbres pour une naissance, où tout autre événement heureux privé ou public c’est au sens littéral du terme pour enraciner l’espoir bien plus que pour laisser une trace de soi. l’arbre semble aussi plus complètement vivant que nous, il va sous nos pieds et loin au dessus de nos têtes.
Il abrite à son tour une multitude d’autres êtres vivants qui dépendent de lui, chaque arbre est une petite planète de vie. Planter c’est démarrer, presque créer des potentialités de vies quasi infinies. Mais aujourd’hui , en plantant ici sur l’écosite, nous rajoutons aussi des dimensions de sens. Il faut bien le dire en tant que citoyens nous ne sommes pas très à l’aise avec nos besoins de matériau et les carrières qui s’en suivent pas plus qu’avec nos déchet et les endroits ou nous les abandonnons. Comble d’inconséquence nous en arrivons même à transformer ce malaise en suspicion vis à vis des professionnels qui s’en chargent. Planter des arbres sur l’écosite c’est aussi réintégrer les activités qui s’y exercent dans l’ordre de la nature et du vivant.
Il y a enfin, cette question nouvelle mais angoissante du changement climatique. Notre impact sur la planète est tel qu’il en arrive à sans doute en certains endroits la rendre invivable pour les arbres qui y vivaient jusqu’alors. Depuis 4 ou 5ans, la forêt de hêtres de ma jeunesse à deux pas d’ici est en train d’en mourir victime des sècheresses et des canicules. Non pas qu’ailleurs il n’y aurait pas toujours la pluie et l’humidité qui lui fait maintenant défaut, mais hélas les arbres ne marchent pas pour s’éloigner du danger. En commençant à faire venir vivre ici des arbres adaptés aux conditions nouvelles, nous montrons par notre plantation que nous nous résignons pas.
En plantant ce matin, vous vous êtes peut être attaché , mais vous avez bien fait car cet attachement là fait partie des attachements heureux.

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